Les origines de l’escrime
Vingt siècles avant notre ère, les Chinois avaient déjà des maîtres d’armes. Les brahmanes indiens enseignaient également l’exercice des armes sur la place publique. Un bas-relief du temple de Médinet-Abou, près de Louxor, construit par RAMSES II vers 1190 avant J.C. évoque une compétition : il représente des tireurs masqués brandissant des armes mouchetées, les mains protégées par une garde analogue à celle d’un sabre, sous l’œil attentif d’arbitres, facilement reconnaissables parce qu’ils portent une plume.
Les Grecs, qui mettent beaucoup à l’honneur les exercices du corps et les jeux guerriers, fondent des écoles où des professeurs, « les hoplomaches », enseignent le maniement des armes avec une épée, qui, selon Homère, est longue et tranchante. Chez les Romains, ce sont non seulement les soldats mais aussi les gladiateurs qui sont entraînés à la technique du glaive, par les « armorum doctores ».
En 1292, sous Philippe le Bel, il est fait mention pour la première fois de maîtres d’armes à Paris, à propos d’une taxe payée par les « escremisseurs ».
Toutefois, il semble que l’escrime moderne ait son point de départ en Espagne au XVème siècle, sous une forme plutôt statique. C’est à cette époque que la poudre à canon fit son apparition en Europe. Cela entraîne la disparition des lourdes armures, devenues inutiles, et le déclin des armes blanches en tant qu’outils de guerre. Ainsi, les épées sont allégées, et les duels deviennent une activité où l’adresse peut désormais l’emporter sur la force brute. Une escrime moins rudimentaire apparaît, où la ruse va prendre une importance croissante. C’est ainsi que sont mises au point des « bottes » dont le secret est jalousement gardé, ou parfois monnayé pour d’importantes sommes.
L’Espagnol Sierge de Valera rédigea le premier manuel d’escrime en 1471 et la rapière commença à se répandre chez les Italiens vers 1500. On tenait alors cette arme dans la main droite, et dans la gauche, une dague ou un bouclier (également appelé écu).
Au milieu du XVIème siècle, les maîtres italiens, de grande réputation, vont décrire et codifier les exercices, élaborant de véritables cours didactiques qui, en fondant les bases d’une théorie de l’escrime, vont essaimer dans toute l’Europe. En 1575, les maîtres italiens Vigiani et Grassi enseignaient à leurs élèves l’art de la fente.
L’escrime en France
L’escrime arrive en France sous Catherine de Médicis. Le maître d’escrime français Henry Saint Didier publia un traité d’escrime en 1573, préconisant l’usage de l’épée sans la dague. Officiellement, l’Ecole Française d’Escrime est née en 1567, année où Charles IX autorisa les « maîstres joueurs et escrimeurs d’épée » à se réunir en communauté.
Ce n’est qu’à partir du XVIIème siècle que l’Ecole Française commença à affirmer ses propres principes et à se détacher de l’escrime italienne.
Le XVIIème siècle est celui où l’escrime a connu un véritable essor. Avec tout d’abord l’apparition du fleuret, arme inoffensive à lame souple, terminée par un bouton en forme de fleur, qui permet de simuler un duel sans risque de blessure ; puis l’invention du masque, qui accroît les possibilités d’entraînement. Le XVIIIème siècle se caractérise surtout par une pratique très conventionnelle : les saluts, révérences et autres positions précieuses occupent une place importante.
Il est connu que l’Espagne et surtout l’Italie et la France constituent le berceau de l’escrime, en particulier de l’épée et du fleuret, alors que les Hongrois, brillants cavaliers, ont été longtemps les maîtres inconstestés du sabre. Ce dernier est une arme dérivée de celle qu’utilisaient les cavaliers venus de l’Oural, et qui vinrent se fixer en Hongrie vers la fin du IXème siècle. C’est seulement vers la fin du XIXème siècle que le sabre prend son essor dans les nations latines.
Dès le début, la France et l’Italie dominèrent les compétitions mais en 1924, la Hongrie prit la première place et la garda pendant presque un demi-siècle. Les épreuves féminines de fleuret firent leur apparition cette même année, mais il fallut attendre 1996 pour que les femmes aient le droit de manier l’épée, et 1998 pour le sabre ! Depuis l’époque des duels, le calme est certes revenu. Les duels ont disparu et l’escrime est devenue une activité purement sportive. Pourtant, quelques incidents sont encore venus émailler les compétitions d’escrime, nous rappelant que, derrière ce sport, le danger guette à chaque instant. C’est ainsi qu’en 1982, lors des Championnats du monde, le Soviétique Vladimir Smirnov, médaillé d’or aux Jeux Olympiques pour le fleuret, trouva la mort lorsque le fleuret de son adversaire transperça son masque.
Depuis, les autorités ont instauré des normes draconiennes afin d’empêcher que de tels drames ne se reproduisent. Les lames sont faites d’un acier spécial et les masques, d’acier inoxydable. Les athlètes portent aujourd’hui des vestes à la fois légères et aussi résistantes que le kevlar. Des innovations visant à améliorer le plaisir du spectateur et à rendre ce sport plus médiatique (tenues colorées et masques transparents) commencent également à apparaître.
Le public peut désormais voir les visages des combattants, les adversaires peuvent mieux s’observer, comme dans les duels – le risque en moins.
Les origines guerrières de l’escrime ne sont jamais loin. La frontière entre l’escrime sportive et le duel fut particulièrement difficile à établir en 1924, lors des Jeux Olympiques de Paris : par deux fois, les tireurs italiens prirent violemment à partie un juge hongrois et les deux parties finirent bel et bien par s’affronter en duel. L’affaire prit une telle ampleur qu’il fallut en finir. Deux duels eurent donc lieu à la frontière hongroise, et après que chaque duelliste eut infligé des blessures à son adversaire, les témoins, tremblant pour leur vie, les séparèrent. Les incidents de 1924 reflètent bien les origines doubles de l’escrime : d’un côté, un sport dont les traces les plus anciennes remontent à 3000 ans avant J.-C., de l’autre, une forme de combat pratiquée sur les champs de bataille jusqu’au début du XXème siècle.